Mademoiselle Chat s’était débarrassée de sa béquille et marchait à présent précautionneusement mais sans boiter. Elle déroula deux tapis sur le sol, alluma un bâton d’encens et choisit un disque de musique relaxante. Le thé était servi, tout était prêt.
L’attente lui parut interminable mais soudain…
Toc toc toc.
Mademoiselle Chat ouvrit promptement la porte et invita son amie à entrer. Madame Ourse avait toujours peur de renverser quelque chose dans le bel appartement. Elle se déplaçait par petits pas, regardant bien autour d’elle afin de ne pas briser un joli vase ou une lampe d’ambiance.
Mademoiselle Chat avait un goût prononcé pour les belles choses et l’oursonne avait le sentiment d’être un éléphant dans un magasin de porcelaine.
Lorsqu’elle vit le petit tapis rikiki par terre, elle regretta sa promesse d’essayer une séance de yoga mais souffla un bon coup et imita sa professeure du jour en se mettant assise dessus en tailleur.
La position n’était pas inconfortable, elle eut même le droit de se caler avec des sortes de briques en liège. Mademoiselle Chat lui expliqua que la posture du lotus ou autre variante simplifiée est idéale pour vaincre les angoisses. Elle est propice à la détente et à la méditation.
Elles se retrouvèrent ensuite à quatre pattes à alterner dos rond et dos creux, la posture du chat et de la vache. Madame Ourse se concentrait de toutes ses forces pour exécuter au mieux les mouvements proposés par son instructrice. Elle découvrit quelques positions simples à réaliser et fût tout étonnée par sa souplesse conservée.
Elle s’était imaginée que Mademoiselle Chat allait la mettre sur un pied, avec les bras emmêlés à l’arrière de son dos ou encore tête en bas. Cependant elle constata que le yoga pouvait se pratiquer à tous les niveaux, il fallait surtout être à l’écoute de son corps.
A la fin de la séance, elles s’allongèrent sur le dos, la nuque calée, les yeux recouverts d’un petit coussin de graines. Mademoiselle Chat parla de sa voix douce et fluide, entraînant son amie dans une méditation profonde. La respiration de l’oursonne se fit plus lente, son corps de plus en plus détendu. Elle crut même qu’elle s’était endormie.
Mais non. L’apprentie yogi était bien éveillée et jamais elle ne s’était sentie aussi bien.

Un peu plus tard, devant une tasse de thé, lorsqu’elle rompirent enfin le silence, Mademoiselle Chat lui avoua que c’était la première fois qu’elle partageait tout cela avec quelqu’un.
–Mais tu as tellement de connaissances ! Je n’aurais jamais cru y arriver, tu es une professeure absolument extraordinaire ! Tu ne voudrais pas proposer des séances au village ? lui demanda Madame Ourse.
Mademoiselle Chat rougit, puis tourna la tête, pensive…
Et pourquoi pas ?