Publié en 2001
Résumé : Et si, en 1907 à Vienne, Adolf Hitler avait été admis à l’Académie des Beaux-Arts? L’auteur met deux versions de l’histoire en parallèle: celle que l’on connait tristement, et invente celle qui aurait pu avoir lieu. Même personnage initial, pour deux destins différents, opposés.
D’une part, l’histoire d’Hitler, que l’on connait, narrée fidèlement par rapport à la réalité des événements historiques, et à partir de laquelle l’auteur ajoute la psychologie supposée du personnage. Persuadé d’être un Élu désigné pour sauver l’Allemagne, dont le génie demeurerait trop méconnu, Hitler méprise ses semblables, méprise l’humain. Sans empathie, sans autre forme de respect que celui de ses propres codes, initialement vaurien des rues de Vienne, déjà détestable mais isolé et solitaire, il devient de plus en plus dangereux. Son antisémitisme opportuniste et sa colère vissée au corps qu’il hurle à qui veut bien l’entendre, ses heures à vitupérer contre la terre entière, le font progressivement glisser sur le devant de la scène politique d’une Allemagne mise à genoux par le traité de Versailles. Et qu’il entraine dans une guerre d’égo, une guerre absurde, violente, et un des pires génocides de l’Humanité.
D’autre part Adolf H., orphelin traumatisé par son père, et qui peine à trouver sa place à l’académie. Schmitt place Freud sur la route de son Adolf H. fictif, et la psychanalyse aide à exorciser les démons qui empoisonnent le jeune homme. Adolf H. fait l’amour, se lie d’amitié, peint et part à la guerre. Guerre dont il ressortira horrifié par les atrocités, et profondément marqué par la capacité de l’humain à s’auto-détruire. Il abandonnera l’idée de patrie et part peindre à Paris. Il y tombera amoureux, connaitra le succès, l’oubli, le doute et l’amour, mais jamais la violence.
Critique : C’est brillant. Audacieux. Je pourrai m’arrêter là mais je vais développer un peu quand même. Comment les événements qui arrivent à un individu influent-ils sur le cours de sa vie, sur ses choix, sur sa construction en tant qu’individu? Bien sur, le choix du personnage est extrême et tout cela n’est que de la fiction. Et pourtant je ne peux m’empêcher de penser que les destins ne sont pas tracés. Qu’il est toujours temps d’influer sur le cours de choses, de redresser la barre. J’ai énormément apprécié l’audace de ce livre de créer la fiction à partir d’un « et si..? » à propos d’un tel personnage, si lourdement chargé d’actes odieux et accablé par l’Histoire que Adolf Hitler. L’auteur n’est pas tendre dans sa description du personnage, il n’a ni compassion ni excuses. Il ne tombe pas dans le piège de « le rendre plus humain ». Dans le roman Adolf H. et Hitler sont clairement deux personnages différents qui n’ont en commun que le point initial, le début de leur vie. Leurs choix, les événements, les rencontres, les amènent à être deux personnes différentes, que l’on n’est pas tentés de comparer. Et c’est là que ce situe toute la délicate réussite de ce livre. Certains passages sont difficiles à lire comme ils l’ont été à écrire pour l’auteur (qui nous partage son cheminement dans un « journal » à la fin du livre). Hitler reste un personnage abject, une personnalité hors norme et incompréhensible, imbu de lui-même et déconnecté de la réalité, qui « vrille » après la première guerre mondiale. Le livre nous aide à comprendre comment de tels êtres deviennent dangereux et incontrôlables quand ils se sentent méprisés. Hitler n’était initialement personne d’autre qu’un pauvre type perdu, égoïste et trop fier. Il aurait pu n’être qu’un individu parmi d’autres, peintre ou pas. C’est la société, c’est ce qu’il a vécu, c’est la guerre, la peur, la honte,… qui ont contribué à le faire devenir un des pires personnages de l’humanité. C’est pour moi la leçon de ce livre, et ce qui fait toute sa force.
Ma note: 10/10 – clairement un de livres qui m’ont le plus marquée.
Anne-Sophie
oulala cet enthousiasme donne envie d’aller y jeter un oeil!
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Je le recommande à 100% vraiment! 😉
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