J’écrase mon nez contre la fenêtre. Lorsque je respire, une auréole de buée se forme sur le verre et je trace un cœur avec mon petit doigt. J’ai huit ans, peut-être neuf, je ne suis pas très grande, pourtant ma tête est toujours dans les nuages.
A mes pieds, un énorme carton fatigué, recouvert de poussière. Papa l’a descendu ce matin du grenier. Comme chaque année, le pauvre avait de la laine de verre plein les cheveux et moi des étoiles plein les yeux. Car si ce carton ne paie pas de mine et diffuse dans la pièce une odeur de renfermé, moi je sais qu’à l’intérieur se cachent de véritables trésors ! Je devine les jolies boules rouges et pailletées, emmitouflées dans du papier journal, les guirlandes dorées, les petits sujets en osier, le papier roche, râpé et froissé, prêt à accueillir notre vieille crèche en bois.
Dans le coin de la pièce, à quelques pas de moi, trône fièrement le sapin de Noël. Il a été installé hier soir. Nous avons eu du mal à le libérer du filet blanc et le pauvre y a laissé quelques aiguilles. Puis il a fallu couper les branches rebelles et tailler le pied pour le maintenir en place dans le grand seau de sable. À présent, il est là, dans le plus simple appareil. Déjà parfumé de notes boisées, il attend patiemment qu’on l’habille.
Mais je ne bouge pas.
Je regarde avec consternation le paysage au dehors, la route désespérément grise, là où aurait dû s’étendre un tapis de neige. Pour la première fois, le 24 décembre, rien n’est blanc.
Je sens une présence derrière moi. Maman est là et je sais qu’elle a compris, que l’enfant qui est en elle est aussi désolée que moi.
-C’est bien triste, un Noël sans neige !
J’acquiesce lentement et lève les yeux vers elle. Soudain, un éclair de malice traverse ses grands yeux verts.
-Viens avec moi ! J’ai une idée !
Une heure après, la nuit est tombée. Nous rentrons, ébouriffées par le vent et la pluie, les joues roses par le froid. Devant les yeux étonnés de Papa, nous déballons boules, guirlandes et lumières, toutes d’un blanc immaculé.
Peu à peu, le sapin s’illumine, les sujets translucides semblent être de glace tandis que la pointe givrée apporte la touche finale. Notre sapin est splendide ! Il apporte un vent de fraîcheur mais beaucoup de chaleur dans nos cœurs. Et peut-être que demain, lorsque nous nous réveillerons, le paysage sera recouvert d’un grand manteau blanc, sur lesquelles nous verrons les traces de pas d’un gentil bonhomme rouge…
Diane