Nouvelle de l’Avent : 19/24

Après avoir bu un thé à la menthe en compagnie de mes parents, je monte dans ma chambre, me change rapidement et me coule sous la couette afin de rattraper un peu de sommeil échappé cette nuit dans les bras de Thomas. Je ne peux ignorer le fait qu’il me manque déjà et que ce grand lit semble vide et froid sans lui. C’est insensé la vitesse à laquelle je me suis attachée à cet homme, moi qui voulais seulement prendre du bon temps, c’est loupé. Je suis à deux doigts de rétablir la date du mariage en changeant le nom du marié !

C’est la tête remplie de jolis rêves d’avenir que je sombre dans une sieste qui n’a de sieste que le nom puisqu’elle aurait duré 8 heures si je n’avais pas été réveillée par la sonnerie stridente de mon téléphone. Sur l’écran s’affichent gaiement le nom et la frimousse de Colleen. Sur cette photo, elle tire la langue, une perruque sur la tête et un mojito dans chaque main, souvenir du nouvel an de l’année dernière.

-HEEEEY Fanny !!!!!!!! Dis moi qu’il s’agit de toi !!!!! me hurle-t-elle dans les oreilles.

-Colleen, je viens de me réveiller, je ne sais absolument pas de quoi tu parles !

-Pourquoi tu ne m’as pas dit que Thomas et toi, c’était du sérieux ?

-Quoi ? Je m’étrangle.

-Écoute, c’est Patrick, il a entendu que Mylène avait dit que Thomas parlait d’une fille. En disant qu’il ne s’était jamais senti aussi bien avec quelqu’un, pas même avec son ex-femme !

Je souris jusqu’aux oreilles, si bien que je n’arrive plus à parler sans prendre une voix niaise d’amoureuse transie. Je raconte brièvement à Colleen les dernières journées depuis le début de mes « vacances ». Après quelques remarques acerbes dues à la vexation de n’avoir pas été prévenue, elle partage finalement notre bonheur et me pose un tas de questions, toutes aussi indiscrètes les unes que les autres. Je ris encore en raccrochant. J’ai de la chance d’avoir une collègue aussi chouette pour égayer mes mornes journées de travail. Il est vrai que ces derniers temps, je mets moins de cœur à l’ouvrage, je m’ennuie un peu. J’aimerais travailler dans quelque chose qui me passionne réellement, me lever le matin avec entrain et ne pas voir les heures défiler.

D’un bond, je vais m’installer sur mon vieux bureau d’écolière. Celui-ci a appartenu à Julien avant de déménager dans ma chambre. En réalité je ne m’en suis jamais servi pour travailler puisque j’aimais faire mes devoirs sur mon lit ou allongée à plat ventre sur la moquette. De même je n’étais efficace que dans l’urgence et rédigeais mes dissertations la veille à 23h. Encore aujourd’hui, j’ai parfois besoin d’un bon coup de stress pour me mettre au travail !

Je sors une feuille d’un tiroir et commence à écrire quelques idées pour le coin littéraire du café de Romuald.

-Un petit meuble à étagère fera l’affaire, je pourrais même essayer de le faire moi-même, pourquoi pas ?

-Une sélection de livres pour commencer, piochés dans mes cartons et dans la vieille bibliothèque de mes parents.

-Une affiche informant les clients de ce nouveau service à leur disposition

-Des coussins, des plaids, tout pour se mettre à l’aise et savourer sa lecture.

Je descends les escaliers en courant afin d’aller farfouiller dans le garage. J’adore retrouver de vieilles affaires, des vieux objets insignifiants qui, malgré tout, font remonter à la surface des souvenirs enfouis, une odeur, un bruit. Des moments nous reviennent en mémoire, des êtres parfois disparus. Aujourd’hui je ne tombe pas dans la mélancolie et m’acharne plutôt à dégager une palette en bois clair coincée derrière nos vieux vélos. Mon père accourt en entendant tout le bruit qui doit résonner jusque dans le salon. Il a l’air bougon, je l’ai sans doute dérangé au milieu d’un chapitre ou d’un documentaire.

Lorsque je lui explique mon idée et le projet de Romuald, je vois son regard s’allumer. La passion des livres qui nous unit sert de déclencheur et le voilà parti, avec sa pince pour retirer toutes les vis et agrafes. Pendant plus de deux heures, nous ponçons, perçons, vissons, collons et huilons ces bouts de bois qui, à la fin, sont devenus un magnifique petit meuble ouvert doté de trois étagères. Cela fait longtemps que je n’avais plus bricolé avec Papa. Pourtant, je me souviens que lorsque j’étais petite, j’aimais passer du temps avec lui dans le garage, à jouer avec un bout de tuyau et quelques chevilles en bois.

Je vois néanmoins que mon père est fatigué et qu’il a besoin d’aller se reposer maintenant. En attendant le dîner, je range tout notre matériel puis m’installe à l’ordinateur, épuisée lui aussi. Les mises à jour ont du l’oublier, il est resté bloqué aux années 90 le pauvre ! Chaque clic est laborieux et le sablier tourne et se retourne devant mes yeux blasés. Il me faut une bonne heure pour parvenir à taper un minuscule texte explicatif. Après les longues minutes nécessaires à l’impression, je prends mon crayon et y ajoute le dessin d’un livre ouvert laissant s’échapper des pages comme autant d’oiseaux.

La soirée est douce. Nous nous installons par terre, devant la cheminée, le visage rosi par la chaleur des flammes. J’ai insisté pour allumer un feu, l’âtre n’étant la plupart du temps que décoratif chez mes parents. À la lueur des flammes qui dansent, j’ouvre mes cartons tandis que Papa vide ses rangées de livres. Au moment du dîner, Maman voit bien que nous sommes absorbés dans notre tâche. Elle nous laisse profiter de ce moment à deux et dépose sur la table basse deux verres de vin et une assiette remplie de croques monsieur fumants…

46897814_1945126838900165_6829741553968218112_n

Diane

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

%d blogueurs aiment cette page :
search previous next tag category expand menu location phone mail time cart zoom edit close