Nouvelle de l’Avent : 16/24

Lorsque nous entrons dans le café, la chaleur ambiante nous enveloppe comme un grand manteau de velours. Sur un grand écran plat se termine un téléfilm sentimental de Noël. Les tables sont presque toutes occupées par des personnes, seules pour la plupart, le nez enfoui au fond d’un livre.

Romuald se tient derrière le bar. Si je n’avais pas su qu’il travaillait ici, je ne l’aurais pas reconnu. Malgré la quantité de tartines de pâté ingurgitées lors de son enfance, celui-ci est resté d’une extrême maigreur, soulignant là la profonde injustice qui régit le monde des calories. Ses cheveux sont longs, maintenus par un élastique et son visage dégage une profonde sympathie. Quand il aperçoit Coralie, il pose immédiatement son torchon sur le comptoir et accourt pour lui tenir la porte. Je ne dois pas avoir changé d’un pouce car, pour la deuxième fois de la journée, j’entends un tonitruant :

-Oh mais c’est Fanny ! Tu es comme le prix des timbres toi, tu ne changes pas !!!!

Je ris malgré le fait que cette blague ne soit plus trop au goût du jour. D’ailleurs je ne sais plus très bien si c’est le prix des timbres ou des allumettes. Bref !

Nous nous installons au bar et entamons la conversation avec ce garçon fort aimable. Coralie a changé. Elle se tient plus en retrait, ses mains sont sagement croisées entre ses jambes et on dirait qu’elle éprouve de la gêne ! Je n’en reviens pas ! Elle est encore attachée à lui on dirait!

Romuald nous sert une salade avec un croque monsieur.

-Ce n’est pas du gastronomique, mais c’est du fait maison ! Nous assure-t-il avec un clin d’œil.

Je ne sais pas si c’est Thomas, Noël ou toutes ces jolies rencontres mais je n’ai jamais rien mangé d’aussi bon. Nous écoutons notre barman parler de ses projets pour la reprise officielle du café de ses parents. Ceux-ci vieillissent et lui confient de plus en plus de tâches. Il aime cet endroit mais aimerait le transformer un peu, lui donner un petit coup de jeune. Il voudrait que son café lui ressemble, que ce soit comme s’il recevait les clients chez lui. Si nous avons des idées, il est preneur. Je pense à beaucoup de choses, à la façon d’aménager les lieux, au mobilier qui pourrait être changé. Les heures s’égrènent jusqu’à ce que la luminosité baisse brutalement dehors. Je n’ai pas envie de rentrer. Je n’arrive pas à me dire qu’il y a quinze jours je vivais avec Quentin dans ma petite vie étriquée et ennuyeuse. Je ne le savais pas mais c’est ainsi qu’elle m’apparaît désormais. Comment ai-je pu envisager de m’enfermer dans cette relation ? Je ne sais pas ce qui m’a ouvert les yeux mais je suis heureuse d’être assise là, aujourd’hui avec ces personnes que je ne fréquentais pas il y a deux semaines.

Sur les coups de dix-huit heures, nous prenons congé. La nuit est noire et nous crapahutons entre les fourrés de la maison de Coralie. La réalisation de notre projet est mise à mal par l’obscurité mais heureusement elle a pensé à prendre sa lampe de poche. J’espère en secret que la police municipale ne va pas faire une ronde et nous embarquer pieds et poings liés.

Nous tirons la rallonge électrique de la terrasse afin de brancher les jolies lumières dans les sapins et les buissons. Un renne lumineux prend place devant la porte d’entrée. Coralie entoure la rampe de l’escalier avec une guirlande dorée tandis que je suspends une lanterne en verre sous le porche.

Ce moment restera gravé à tout jamais dans ma mémoire. Il est fort en amitié, en générosité et en surprise. Tous les ingrédients nécessaires à de beaux souvenirs. Il efface à lui seul toutes les disputes et vacheries que nous avons pu nous échanger par le passé, Coralie et moi. Autour de nous scintillent des étoiles, la magie de Noël a pris possession du jardin tout entier. La maman de Coralie va être stupéfaite.

-Quand connaîtrons-nous le ou la gagnante ? Je demande.

-Je crois qu’ils envoient un courrier avant Noël. J’aimerais tellement qu’elle gagne ! Une année, elle a eu le premier prix : un séjour pour deux personnes dans un établissement thermal, elle était tellement heureuse !

-Dis moi, Coralie, pourquoi tu ne tentes pas ta chance avec Romuald ?

-Qu’est-ce qui te fait croire que j’en ai envie ?

-Oh, ça va hein, ne me prends pas pour une bille. Je vois bien l’attitude que tu as quand il est là !

-Écoute, je ne sais pas. Je n’ai jamais eu d’histoire sérieuse, je ne sais pas ce que c’est que de vivre avec quelqu’un au quotidien et je ne suis même pas sûre de le vouloir.

-Il a l’air de t’apprécier pourtant, j’ajoute doucement.

-Il m’a déjà invitée à boire un verre, je sens qu’il se passe quelque chose mais aucun de nous deux n’ose faire le premier pas. Et toi ? Quoi de neuf ?

Mes yeux brillent d’excitation tandis que je parle de Thomas. Au bout de quelques minutes, je me rends compte que je n’ai pas arrêté de chanter ses louanges. Je me dis aussi qu’il me manque et que je ne lui ai pas réécrit depuis hier soir… Lui non plus d’ailleurs …

Coralie me dévisage :

-Tu as envie de construire quelque chose de sérieux avec lui ? Tu ne voulais pas prendre ton temps, savoir ce dont tu as envie ?

Je réalise à quel point elle a raison. Je vais peut être un peu vite en besogne. Mais en même temps, il me plaît tellement que je n’ai pas envie de le laisser filer. Pourquoi la vie est-elle si compliquée ?

Diane

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