La vie a revêtu une cape de lumière. J’ai envie de chanter, danser, crier mon bonheur mais cela serait indécent vu les circonstances. Tout semble plus beau autour de moi, la nature pullule de petits trésors de beauté, la magie de Noël porte cette année bien son nom. Il me semble que j’ai de nouveau 6 ans tant les fêtes me réjouissent.
En ouvrant mes volets, je vois Coralie à travers les rideaux de salon de sa maison. Ni une ni deux, je lui envoie un message pour lui demander si elle est disponible. Un café et une douche plus tard, me voici sonnant à la porte de sa mère.
Coralie m’ouvre en pyjama à motifs Père Noël. Elle m’embrasse et repart vers sa chambre d’un pas rapide pour finir de se préparer. Je pénètre alors dans la maison et avance jusqu’au salon ou je découvre Madame Leroy, sa maman, essayant tant bien que mal de manœuvrer son fauteuil roulant dans leur salon exigu.
-Attendez Madame, je vais vous aider !
-Ooohhh, Fanny !!! Tu n’as pas changé ! Depuis combien de temps ne t’ai-je pas vue ?
-Je ne sais pas, une dizaine d’années je dirais.
-Je suis enchantée que Coralie et toi vous fréquentiez à nouveau. Elle travaille trop, cette petite, ça va lui faire du bien de penser un peu à elle !
Après quelques échanges sympathiques, Coralie et moi partons avec nos deux voitures en direction de la zone commerciale la plus proche. Nous achetons tout d’abord des nouvelles boules, des roses pales et dorées pour moi, des bleues et grises pour elle. Nous farfouillons pendant deux bonnes heures au milieu des guirlandes, lumières et sprays de neige artificielle.
Nous dépensons sans compter pour de jolis santons en terre cuite et des étoiles à coller aux fenêtres. Tout brille autour de nous, le magasin dans lequel nous nous trouvons a tout rangé par couleur et il est aisé de choisir des décorations assorties.
Beaucoup de personnes de mon entourage n’aiment pas Noël, prétendent que c’est devenu trop commercial, que la magie a disparu. Je ne suis pas d’accord avec elles. Noël est comme nous le faisons. Il peut être synonyme de paix et de simplicité si l’on s’en donne les moyens. Et même si je dépense un peu d’argent pour de simples boules, j’aime le fait que Noël soit un moment de partage et d’amour. Les cadeaux ont une importance relative. Ils font partie de la fête mais ils n’ont de valeur que s’ils ont été offerts de bon cœur et choisis avec soin. C’est quelque chose que j’adore faire : trouver le cadeau idéal pour quelqu’un qui est important pour moi.
Après ces achats, nous nous garons côte à côte sur un vieux parking abandonné. Devant nous sont alignés des dizaines de sapins, des grands et dénudés, des petits touffus, des maigrelets. Certains ont de larges épines brillantes qui dégagent une forte odeur de forêt, d’autres ont les épines fines et claires. Ceux-ci seront nus bien avant la veillée de Noël ! Nous craquons pour deux spécimens moyens, bien touffus et résistants. Le vendeur a un fort accent vosgien et ses mains sont larges comme des assiettes. Mais son regard déborde de gentillesse et je me surprends à penser à son épouse et à la douce vie qu’elle doit mener auprès de lui.
De retour à la maison, nous analysons rapidement la situation. La voiture de mes parents n’étant pas devant la porte, nous commençons par transporter mon sapin jusqu’au salon, râlant sur les épines qui nous piquent et le filet qui nous scie les doigts. Les protestations se transforment bien vite en éclats de rire et nous nous activons pour sortir les boules de leur boîte. Heureusement, grâce aux planches de bois vissées en croix sous le tronc de sapin, l’installation se fait en un clin d’œil. Les guirlandes lumineuses apportent une belle lumière chaude comme un feu de cheminée. Pour mes parents, j’ai choisi de jolies sphères dorées, d’autres rosées et grises. J’utilise aussi les plus belles décorations blanches qui reposent dans leurs vieux cartons.
Une heure plus tard, nous levons des yeux émerveillés vers notre bel arbre. Il s’en dégage une lueur douce et paisible, presque romantique. Tout cela se marie à merveille avec l’ambiance grise feutrée de leur salon et je suis impatiente que mes parents le découvrent.
Nous remballons prestement les boîtes, sachets et passons un rapide coup de balai avant de sortir en refermant derrière nous. Il est 13h30, l’heure du feuilleton quotidien de la maman de Coralie. À cette heure précise, elle se barricade dans sa chambre et suit avec assiduité les frasques de la famille Mathews. Puis elle somnole jusqu’à l’heure du café.
Nous attendons quelques minutes devant la maison puis nous faufilons à l’intérieur. Nous installons le sapin le plus discrètement possible, ce qui n’est pas une mince affaire, néanmoins la télé retentit encore à l’étage pendant que nous rangeons.
Les boules de Noël choisies par Coralie sont à son image, voyantes et sophistiquées. Certaines sont argentées, d’autres pailletées et étincelantes comme des boules à facettes. Je repense à l’arbre de ma grand-mère, orné uniquement de tranches d’oranges séchées, de pommes de pin et de rubans. Peut-être est-il possible de connaître une personne en observant son sapin ?
Il est à présent 15h et notre estomac crie famine. Coralie propose d’aller manger un morceau à La Tablée, le seul et unique café de ce modeste village. Celui-ci est tenu depuis toujours par la famille André. Leur fils Romuald était à l’école avec nous. Coralie rigole :
-Tu te souviens qu’il mangeait du pâté pour le goûter ??
Je me joins à elle et poursuis :
-Je me souviens surtout que tu étais folle amoureuse de lui !!
Elle s’arrête net, le rose au joues.
-Allez, prend ton manteau au lieu de dire des bêtises…
Diane