En sortant de la maison de retraite, je repense à ce qu’elle m’a dit. Prendre soin de moi. Retrouver chaussure à mon pied. Mais en ai-je seulement envie ? N’ai-je pas envie d’un peu de douceur et de légèreté pour une fois ? Pourquoi faut-il toujours être sérieuse ? Se lever tôt, travailler, se coucher. Être aimable, faire à manger, être la parfaite petite femme de maison, économiser son argent au cas où. J’en ai assez de cette vie !
Au lieu de rentrer directement, je bifurque vers le centre ville. Je me gare sans difficultés dans le parking souterrain et me laisse porter par l’escalator. Je ne suis pas revenue dans ce centre commercial depuis un bon moment, par peur de la foule, de la queue, de l’effervescence des grands magasins. Mais aujourd’hui, malgré l’approche des fêtes de Noël, les boutiques sont plutôt calmes. Des chants de Noël s’élèvent dans le grand hall. Il fait bon à l’intérieur et je m’autorise une bonne dose de shopping.
J’ai envie de ce pull en grosses mailles d’un blanc laiteux, de cette paire de bottes fourrées, de ce manteau duffle coat couleur caramel et de ce joli sac en cuir pourpre. Tout me donne envie, j’essaie tout ce qui me plaît, je me dévisage dans le miroir de la cabine et j’y vois une jeune femme libre, avec le rose aux joues.
Je repense à Thomas. Il me plaît, c’est indéniable. Son regard sur moi me rend toute chose, même si je sais que c’est un dragueur invétéré. J’ai envie de le découvrir en dehors du travail, d’apprendre à le connaître et peut-être plus. C’est décidé, dès demain j’accélère la cadence, et peu importent les conséquences.
J’en virevolte presque dans la cabine, j’imagine ce qu’il penserait de cette petite robe grise, j’imagine surtout ce qu’il penserait de ce qu’il y a en dessous ! Oh ! Mon Dieu ! Il me faut de nouveaux sous-vêtements !
Quelques centaines d’euros plus tard, je m’assois dans un café, parvenant difficilement à me frayer un passage avec tous mes sacs. Je m’affale sur le siège en cuir élimé. Lorsque le serveur s’approche, je pense à commander un thé. Quelle surprise alors de m’entendre dire :
-Une coupe de champagne, s’il vous plaît.
Le jeune homme, qui doit être à peine majeur me regarde, interloqué, les sourcils en point d’interrogation. Il doit me prendre pour une ivrogne ou une folle. Qu’importe !
Les bulles pétillent sur ma langue, je me sens un peu honteuse d’avoir claqué le tiers de mon salaire pour des « chiffons » comme dirait mon père mais c’est ma façon d’appliquer les conseils de Joséphine.
Je rentre à la maison le cœur léger comme les bulles du champagne. À la maison, mes parents ont sorti leurs décorations de Noël, leur sempiternel sapin artificiel et leur crèche en bois qui doit peser au moins 5 kg. Comme le veut la tradition, ils sont en train de se disputer pour savoir où va trôner leur affreux sapin, même si tout le monde sait qu’il finira sur le buffet de l’entrée. Papa se coince les doigts dans le pied métallique tandis que Maman rouspète après la guirlande toute emmêlée. Les boules de Noël ont connu des jours meilleurs, certaines sont fêlées, d’autres ont le vernis qui se fait la malle.
-Maman, tu ne voudrais pas changer de couleurs cette année ?
-Quoi tu n’aimes pas mes petits sujets en osier ?
-Eh bien, vu que cette année je suis là, je me suis dit que je pourrais m’occuper du sapin. Et je prends tous les frais à ma charge.
Madame Küntzler, ma banquière, ne va pas tarder à me téléphoner pour savoir ce qu’il m’arrive, moi qui ai toujours été si raisonnable avec l’argent.
Mes parents regardent avec dépit leurs guirlandes froissées, le papier roche qui ressemble à un paquet de détritus, et acceptent ma proposition avec chaleur.
Après le repas, je sors fumer ma dernière cigarette. Je me réjouis de rejoindre mon lit douillet avec mon bouquin. Il faut dire que Colleen m’a prêté un livre new romance complètement niais auquel je deviens néanmoins accro. Je ne sais comment va se terminer l’histoire entre Tessa et Hardin mais leurs péripéties mettent un peu de piquant dans ma vie sentimentale qui est au point mort.
Alors que je décide de m’allumer une deuxième cigarette pour faire durer le plaisir, j’entends la voiture de Coralie qui pétarade. Celle-ci m’aperçoit à la lueur du réverbère et se dirige vers moi. Elle me pique une cigarette et nous nous asseyons sur les marches près de la boîte aux lettres. Malgré nos fesses qui gèlent sur la dalle glacée, nous restons un moment à discuter. Je lui parle de mon intention d’aller acheter de nouvelles décorations pour notre sapin de cette année. L’idée lui plaît et elle propose de m’accompagner.
-Si je ne fais rien, nous n’aurons aucune lumière devant chez nous ! se plaint Coralie. Déjà que ma mère déprime à cause du concours de décorations. Elle dit que c’est Mireille qui risque de gagner cette année.
-Oui, c’est vrai que c’est très joli devant chez Mireille, mais il y a trop de couleurs. Ta mère a toujours fait ça avec beaucoup plus de goût. Elle s’est inscrite ?
-Non ! Elle a refusé ! Avec cette foutue jambe dans le plâtre, elle n’a plus goût à rien !
-Pourquoi ne pas l’inscrire au concours sans lui dire ?
-Et on lui fait la surprise de tout décorer ?
-Ce serait un joli cadeau de Noël, non ?
Nous passons un moment à échafauder notre plan d’action. Excitées comme des petites filles qui préparent un mauvais coup…
Diane
lesplumesquipapotent, thanks for the article post.Really thank you! Great.
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Oh ! Thanks a lot for your enthusiasm ! 🙂
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