Le voilà ! Le voilà enfin, le joli mois de juin ! Avec ses promesses de soleil et de cerises ! Le moment est venu de se poser et de faire le point sur la demi année déjà écoulée…
Les résolutions de janvier sont bien loin maintenant. La plupart ont été rangées avec les décorations de Noël, bien emballées dans du papier journal.
Il m’est impossible de m’en rappeler une seule ! Peut être faire plus de sport ou respecter enfin les limitations de vitesse… À quoi bon ?
J’aimerais croire que le vent d’hiver s’en est allé, mais à l’heure où j’écris, la pluie dégringole et l’orage gronde. Le ciel a vêtu son habit de deuil et notre moral glisse doucement dans nos chaussettes. Les litres d’eau qui se déversent n’ont rien à envier aux giboulées de mars et c’est la larme à l’œil que nous rangeons chapeaux, serviettes et bonne humeur.
Quand j’étais enfant, le mois de juin avait le goût des vacances et l’odeur entêtante des barbecues. Il sentait le chlore et la crème solaire. Les derniers jours d’école, nous jouions dans le parc sous les platanes. Subitement, les austères maîtresses se métamorphosaient en êtres normaux, capables de rire et de s’amuser ! Le samedi de la fête de l’école, la cour de récréation s’animait, la musique peinait à couvrir nos rires d’enfants, fiers de montrer à nos parents cet espace qui était le nôtre ! Les familles n’étaient ce jour-là que des visiteurs éphémères.
Tandis que le soleil brillait, haut dans le ciel, nous transpirions dans nos costumes synthétiques cousus à la hâte la veille par nos mamans éreintées. Les danses et défilés s’enchaînent dans les rires et les effluves de barbe à papa. Le mien n’a pas de barbe mais il est bien là ! Laurent Voulzy chante sa Rockollection, les appareils crépitent, les mamans applaudissent. Je surprends mes amies en pleine messe basse… « C’est un secret… C’est à propos de ton anniversaire… »
Car le mois de juin, infatigable, m’apporte à chaque fois une année de plus, comme les cernes d’un arbre qui s’accumulent avec le temps. Les anniversaires de mon enfance sentent le chocolat, l’odeur chaude et rassurante à la sortie du four. Le gâteau est recouvert de pastilles sucrées aux couleurs vives, les copines chantent en mastiquant des petits ours acidulés. Maman allume les bougies et lorsque je les souffle, la pièce s’emplit de ce fumet à la fois doux et âcre que j’associe à la fête et au bonheur. Lorsque le papier cadeau se froisse et se déchire, l’impatience cède la place à la surprise, aux embrassades et aux mercis.
Mes parents, qui étaient enseignants, profitaient chaque année des congés d’été pour bricoler dans la maison. Je prenais alors plaisir à les accompagner dans les magasins de peinture, moquette ou luminaires. Voûtée sous le caddie à deux étages, les rayons défilaient et mon esprit vagabondait… La veille, j’avais mangé des artichauts pour la première fois de ma vie, chez ma voisine. Celle-ci avait ri aux larmes en constatant que j’étais incapable de grignoter les feuilles puisque je venais de perdre plusieurs de mes dents. Je m’étais sentie tellement ridicule !
Au fil des ans, le mois de juin a changé de couleur et de saveur. Le soleil n’avait plus sa place officielle comme dans mes tendres années. Ou bien son absence m’était elle autrefois plus supportable. La légèreté de la fin d’année scolaire a peu à peu été remplacée par les examens et leur cortège de stress et d’attente. Les cartables ont été écrasés au fond des cartons de déménagement.
L’âge adulte, subrepticement, creuse son trou. Sans rien dire, il nous force à grandir. Certains souvenirs s’estompent. D’autres restent ou ressurgissent, déformés, réinventés… Même les doux moments vécus se teintent de nostalgie douce amère.
En juin 2016, en m’apportant une année de plus, l’été m’a pris un être cher. J’aime à croire qu’elle me lit de là-haut, que mes mots, lourds ou bien légers comme des plumes, volent jusqu’à elle dans un beau ciel de juin…
Diane